Entre eux, les Français peuvent être très critiques à l’égard des soins dispensés par les hôpitaux et les médecins de leur pays, mais ils sont toujours prêts à défendre le système de santé français, considéré comme étant l’un des meilleurs au monde. En effet, dans une comparaison de l’Organisation mondiale de la santé portant sur 191 pays différents, la France s’est classée au premier rang.
Il est important d’être clair, au-delà des questions légitimes sur la méthodologie de l’OMS, le classement lui-même date de 2000. Cela dit, la France reste en tête de liste, puisqu’il s’agit du premier et du dernier classement réalisé par l’OMS. Depuis lors, la France a occupé un certain nombre de postes dans d’autres classements, en fonction de leurs critères et de la définition de ce qui constitue un « bon » système de soins de santé.
Une analyse effectuée en juillet 2017 par le Fonds du Commonwealth basé à New York a comparé les systèmes de soins de santé de 11 pays industrialisés. Ils placent la France au dixième rang, juste au-dessus des États-Unis, et le Royaume-Uni au premier rang. Pourtant, dans un autre classement – publié en mai par The Lancet, qui portait sur 195 pays -, le Royaume-Uni occupait le 26e rang, tandis que la France occupait le 15e rang. Et en première position, la minuscule principauté d’Andorre. Tout cela démontre à quel point il est difficile d’interpréter de tels classements.
Favoriser les cures plutôt que la prévention….
Si aucun pays ne peut prétendre à juste titre avoir le meilleur système de santé au monde, les Français semblent globalement satisfaits du leur. Elle présente certainement plusieurs avantages, tels qu’un bon accès à des soins de qualité et une reconnaissance croissante des droits des patients. Ses points faibles sont sa complexité (les citoyens ont souvent de la difficulté à naviguer) et l’importance limitée accordée aux soins préventifs. Contre-intuitivement, le système français agit souvent comme s’il valait mieux guérir que de ne pas tomber malade en premier lieu.
Les fondements du système français de sécurité sociale ont été posés en 1945, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. En l’absence d’un véritable gouvernement à l’époque, le Conseil national de la Résistance, créé à l’origine pour combattre les forces d’occupation allemandes, a mis en place le filet de sécurité sociale, y compris les prestations de retraite et l’assurance maladie publique. Réunissant des personnalités de tous les horizons politiques français, il a établi un pacte social pour la reconstruction du pays.
Le système de santé français a été appelé « Bismarckien », tout comme les similitudes avec celui établi en 1880 par le chancelier allemand Otto von Bismarck. Le système français a été fondé sur des principes de solidarité et de redistribution – de tous selon leurs moyens, à tous selon leurs besoins – et l’accès a d’abord été accordé en fonction de l’occupation d’un individu.
Le droit universel aux soins de santé
La France a ensuite incorporé certains aspects du modèle conçu par l’économiste britannique William Beveridge. Alors que les chômeurs étaient depuis longtemps exclus du système, en 1999, la couverture maladie a été étendue aux citoyens les plus pauvres par le biais de la « Couverture maladie universelle », qui consacre le droit universel aux soins de santé inscrit dans la Constitution française. La même année, un programme spécial (« Aide médicale d’Etat ») a été mis en place pour les sans-papiers. Le système actuel est donc une ingénieuse combinaison de solidarité et d’universalité.
Le modèle français est composé d’établissements publics de santé qui représentent 61 % des lits d’hôpitaux et autres espaces ainsi que de services privés plus limités. Le secteur privé a tendance à couvrir les soins ambulatoires (consultations sans hospitalisation) ou, pour les soins hospitaliers, la chirurgie mini-invasive et les patients dont le diagnostic est relativement simple.
La qualité des soins de santé en France est comparable à celle d’autres pays occidentaux ayant un niveau de vie similaire. Selon une étude menée dans 67 pays, la France s’est bien comportée en ce qui concerne les taux de survie à cinq ans au cancer, en particulier au cancer du sein. Selon l’OCDE, la France a également obtenu de bons résultats pour les événements critiques tels que les crises cardiaques et les accidents vasculaires cérébraux.
Prestige et ressources : un accent sur les hôpitaux
A l’inverse, dans le cas du diabète, les taux d’hospitalisation étaient plus élevés en France que dans les autres pays de l’OCDE. Cela reflète notre approche centrée sur l’hôpital. Le prestige et les ressources sont concentrés sur les hôpitaux au détriment des soins de santé de base, qui sont en grande partie dispensés par des professionnels indépendants.
En termes de financement, le modèle français prévoit une assurance maladie publique pour chaque citoyen ainsi que pour les résidents de longue durée. Chaque personne a sa propre carte vitale, qui couvre le coût total des soins essentiels pour les affections les plus graves (comme le cancer et le diabète) et une partie du coût des autres soins. L’assurance maladie complémentaire est également disponible, principalement auprès de caisses d’assurance maladie privées à but non lucratif. Bien que ces régimes ne soient pas obligatoires, 95 % des résidents français en ont un.
La France est également le pays où les surcoûts de santé sont les plus faibles – en autres pays de l’Union européenne.
La France est également le pays où les surcoûts de santé sont les plus faibles, c’est-à-dire le montant réel dépensé par les particuliers après remboursement par le système d’assurance maladie. En 2014, cela ne représentait que 7 % des dépenses totales de santé en France. En Suisse, où les surcoûts de santé sont les plus élevés, ce chiffre était de 27%.
Dépenses de santé comparables en Suède et en Allemagne
Depuis plus de 30 ans, les médias et les gouvernements successifs ont répété aux Français que notre système de santé est trop coûteux. Mais est-ce vraiment le cas ? En y regardant de plus près, on constate que non seulement nos dépenses sont bien inférieures à celles des États-Unis, mais qu’elles représentent près de 17 % du PIB en 2014, ce qui en fait le pays qui dépense le plus en soins de santé au monde. Globalement, la France a consacré 11 % de son PIB à la santé la même année, ce qui la place au 5e rang des pays de l’OCDE, au même niveau que la Suède, l’Allemagne et les Pays-Bas.
Si l’on considère les dépenses de santé en fonction du pouvoir d’achat (parité de pouvoir d’achat), la France est proche de la moyenne des 15 pays qui ont rejoint l’UE avant 2004. Plutôt que d’être exorbitant, le coût des soins de santé en France est en fait comparable à celui de pays similaires.
Les Français reçoivent-ils de bons soins de santé ? Si l’on considère l’espérance de vie dès la naissance, la réponse semble être oui. Selon les statistiques de 2014, les femmes françaises vivent en moyenne 86 ans, soit l’un des âges les plus élevés des pays de l’OCDE. Les hommes vivent en moyenne 79,9 ans, ce qui, bien que moins impressionnant, reste l’un des plus élevés. Cependant, cet indicateur reflète principalement les conditions sociales, économiques et culturelles de chaque pays.
Espérance de vie élevée à 65 ans
L’espérance de vie à 65 ans est un meilleur indicateur de la capacité d’un système de santé à faire face aux pathologies liées au vieillissement. A cet égard, la France se porte très bien : les femmes peuvent s’attendre à vivre encore 24 ans (juste derrière la moyenne du Japon) et les hommes, 19,7 ans – la meilleure moyenne de tous les pays de l’OCDE. L’écart important entre l’espérance de vie des hommes à la naissance et celle des hommes de 65 ans indique le nombre important de décès prématurés. Celles-ci sont principalement liées à des causes évitables, en particulier l’usage de l’alcool et du tabac.
S’il y a une critique à formuler à l’égard du système de santé français, c’est qu’il perpétue les inégalités de santé liées au milieu social et au niveau d’éducation. En France, la différence d’espérance de vie entre ouvriers et employés est de 6,5 ans. Ce problème touche la plupart des pays et devrait donc être au cœur de nos préoccupations à tous.
Le système de santé français sera-t-il en mesure de relever les défis du vieillissement de la population et de l’augmentation des maladies chroniques ? Pour ce faire, nous devrons améliorer la communication et la coordination entre les intervenants qui travaillent actuellement de façon indépendante – hôpitaux, établissements de consultation externe et fournisseurs de soins à domicile, par exemple – et mettre en œuvre une approche intégrée des soins de santé. Connu ici sous le nom de « parcours de soins », il nécessite une réévaluation de la façon dont nous finançons les établissements de santé et rémunérons les professionnels de la santé indépendants. l’heure actuelle, ces derniers sont essentiellement rémunérés à l’acte, ce qui n’encourage pas une approche holistique des soins aux patients.
Améliorer l’accès aux soins de santé
Nous devons également prêter attention à la question de l’accès aux soins de santé. Pour des raisons financières, certains citoyens et résidents ne cherchent pas actuellement à obtenir les traitements nécessaires, particulièrement en ce qui concerne les soins dentaires et les soins de la vue. D’autres ne parviennent pas à trouver un prestataire de soins indépendant qui facture les tarifs remboursés par l’assurance maladie nationale, et encore moins à consulter des médecins qui facturent plus cher – malgré le fait que les « primes » sont plafonnées depuis 2013. D’autres encore vivent dans des zones appelées « déserts médicaux », où il n’y a pas de médecins locaux.
L’adaptation du système de santé français, robuste et sophistiqué, peut aider le pays à relever les défis d’une population vieillissante, mais seulement si nous utilisons des outils capables d’avoir un impact suffisamment large, en particulier la prévention des maladies et la promotion de la santé. Le défi est de taille : La France, où un adolescent sur trois fume quotidiennement, affiche l’un des taux de tabagisme les plus élevés chez les jeunes.